L’autre jour je lisais un article dans La Presse+ et je me suis surprise à penser que j’aurais bien aimé y lire une chronique de Foglia. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’était un journaliste et chroniqueur passionné de vélo, avec un regard à la fois incisif et rempli de compassion pour la bêtise humaine. Je suis curieuse de savoir ce qu’il dirait de la crise existentielle que nous traversons.
J’ai souri intérieurement en écrivant une chronique « à la Foglia » et mes pensées se sont tournées vers d’autres voix qui me manquent. Celle de mon père est la première qui m’est venue à l’esprit.
Mon père était à la fois un homme bavard et pourtant si silencieux quand il fallait dire les choses du cœur. Il avait cette capacité de nous ennuyer à mourir en nous racontant pendant des heures tout le chemin qui l’avait amené à faire de la confiture aux prunes cette journée-là. L’histoire commençait presque toujours de la même façon : « j’étais au marché Jean-Talon au kiosque de Marcel, tu sais Marcel celui qui…. »
Une demie heure plus tard, il nous disait que les prunes étaient si abordables qu’il ne pouvait pas les laisser là. S’en suivait son retour du marché rocambolesque parce qu’il avait les mains pleines de paniers de prunes et que son sac à dos débordait déjà de légumes frais.
Après une heure, il nous saoulait avec sa recette de confitures trouvée dans un vieux livre de sa mère!
Je savais, même à l’époque où il vivait encore, que je m’ennuierais de ces moments. Alors je l’écoutais parler de ses confitures avec amour, lui qui m’a dit si rarement qu’il m’aimait. J’ai compris au fil des années que mon père aimait dans l’action.
Il m’aimait en allant me reconduire à la gymnastique, comme élève puis comme coach. Il m’aimait en prenant la route, quatre étés de suite, pour faire plusieurs allers-retours entre Chambly et Ste-Agathe-des-Monts, où j’étais monitrice. Il m’aimait en assistant à mes spectacles, mes concerts. Il s’assoyait et me regardait. Je le voyais parfois sourire de fierté.
J’aurais aimé à l’époque l’entendre de vive voix me dire qu’il était fier. Me parler comme Foglia le ferait, avec des mots justes et qui nous touchent droit au cœur.
Mais mon père n’était pas Foglia, et sa façon de parler était différente. J’ai vu son amour des centaines de fois dans son regard. Je l’ai entendu dans tous nos silences durant les longs trajets. Je l’ai senti dans ses câlins après mes visites chez-lui. Je l’ai perçu jusqu’à la fin dans son humour particulier.
Oui, sa voix me manque. Mais malgré son absence, son amour, lui, m’habite encore. Et j’ai réalisé qu’à travers mes mots, il vit un peu aussi.
< Retour